Communion

Sylvain Cossette est un homme d’affaires dont le parcours commande l’admiration. Mais lorsqu’il discute vélo, celui qui préside aux destinées de l’un des plus grands parcs immobiliers du Canada se transforme tour à tour en gamin, en mystique, en agent de voyages. Rouler, pour lui, c’est faire partie du monde, dans tous les sens qu’on imagine. 

« La première fois que j’ai assisté au Tour de France, c’était à Paris, en 1989, lors de la victoire de Greg LeMond », raconte Sylvain Cossette.

On imagine très bien le tableau. Paris déconfite, la gloriole bleu-blanc-rouge délavée alors que le soleil se couche sur les Champs-Élysées en même temps que sur ce Tour que la France perd par 8 secondes devant l’Amérique. Laurent Fignon s’est décomposé dans le contre-la-montre final. Et LeMond est entré dans la légende tandis que celui qui est aujourd’hui PDG de Cominar succombait à l’enchantement du Tour. 

« Je suis arrivé au cyclisme par le vélo de montagne, raconte-t-il en retraçant son parcours jusqu’au commencement, plus tôt dans les années 1980. J’ai acheté mon premier à Gervais Rioux. On roulait surtout à Bromont, à l’époque, et aussi sur le mont Royal, avant que ce soit interdit. Ensuite, j’ai vécu deux ans en France. Je suis allé plusieurs fois au Tour. Et c’est là que j’ai acheté mon premier vélo de route. Un Eddy Merckx, tout en Campy. »

Dévoré par sa nouvelle passion, Cossette en profite alors pour découvrir les routes de l’Hexagone. Ses cols mythiques, ses montagnes magiques. Il tombe en amour avec le sport et ses légendes.

L’hymne à la joie

« Pour moi, le vélo, c’est une sorte de courant qui m’amène au bonheur », confie celui qui préside aux destinées de l’un des plus importants fonds de placement en immobilier au Canada, aussi propriétaire de l’un des plus imposants parcs immobiliers commerciaux du Québec.

L’été dernier, il a roulé 100 jours consécutifs, se levant à 5h30 pour goûter aux bonheurs de l’aube avant que la vie urbaine de la métropole ne reprenne ses droits. « Je sais que je ne devrais pas faire ça… J’ai un petit côté compulsif », avoue-t-il en riant. Mais plus encore, il est habité par la certitude que rouler est pour lui un tremplin. Que chaque sortie est le début d’une aventure qui se prolonge dans la vie et les affaires. « Ça enrichit tout le reste », illustre-t-il avec passion, le regard vibrant alors qu’il évoque toutes ces balades qui émaillent un quotidien surchargé. « Je pédale et j’oublie la douleur, le geste devient mécanique, et lorsque ça se termine, je ressens une grande satisfaction. Ça donne sa cadence à ma journée. »

« Et puis, dans la vie, comme PDG, tu gères l’avenir, ajoute-t-il. C’est grâce au vélo que j’arrive à me recentrer dans le présent. Ça me permet d’être une meilleure personne. »

Pour voir le monde

Il ne s’agit pas que d’une forme de ressourcement personnel. Car pour Sylvain Cossette, le vélo est aussi un geste humain, social. C’est une rencontre avec l’Autre, qui n’a parfois en commun avec soi que cette passion pour la petite reine. « Je m’arrête souvent pour parler avec d’autres cyclistes. Nous ne savons pas ce que nous faisons dans la vie, nous n’avons pas de lien, sinon que nous sommes là, en même temps, en train de rouler, et on se retrouve à parler de toutes sortes de choses, à partager ce moment-là. Je trouve ça vraiment merveilleux comme expérience. »

Lorsqu’on lui soumet l’idée du vélo comme acte de communion, l’homme d’affaires abonde et en propose une définition plurielle.


Il y a la rencontre et le partage d’un moment précieux avec les gens, une sorte de grand-messe qui abolit les classes, qui se moque des métiers et des échelons sociaux et confine au mouvement commun. Puis il y a une fusion émotive avec les lieux où il pratique son sport. 

« Après des années à faire énormément de vélo, raconte-t-il, je suis devenu père de famille, mes enfants faisaient beaucoup de ski, avaient plein d’activités, et j’ai pas mal moins roulé. Mais quand je suis arrivé chez Cominar, Michel Dallaire (alors PDG du Groupe Dallaire et président et chef de la direction chez Cominar) m’a mis au défi de me remettre en forme pour faire le 1000 km du Grand Défi Pierre Lavoie. J’ai pris la chose très au sérieux, et comme préparation, je me suis inscrit à un paquet d’événements de type Gran Fondo. »

C’est là qu’il découvre la Californie, à laquelle son destin de cycliste est désormais noué. Il en parle comme d’une amie chère qu’il visite aussi régulièrement que possible, avec sa conjointe le plus souvent. Il y ratisse les routes de Mill Valley, à la sortie de la baie de San Francisco. Puis il rayonne un peu plus au nord, dans les terres verdoyantes qui ondulent joyeusement entre la côte du Pacifique et les vallées où le pays du vin s’est construit. « Je n’ai jamais rien senti comme l’odeur des pins rouges au mont Tamalpais », s’émeut-il, avant de se répandre en louanges pour la région de Santa Monica, près de Los Angeles (« Topanga, Westlake, c’est le rêve », dit-il). Puis ses souvenirs heureux l’envoient du côté de l’Europe, à Gérone, en Catalogne, dont il adore la culture cycliste, la variété du terrain, la beauté du centre-ville historique et la gentillesse des gens. Encore eux.

« Pourtant, la première fois que j’y suis allé, je me suis fait voler mon vélo en arrivant, devant chez Espresso Mafia. Christian Meier (ex-professionnel canadien qui possède les boutiques Service Course, de même que plusieurs commerces à Gérone, dont Espresso Mafia) était tellement gêné de la situation qu’il m’a prêté un vélo pour la semaine. »


La route qu’il préfère entre toutes est cependant à quelques minutes d’avion de là. Sur l’île de Majorque, dans les Baléares. « La plus belle montée, c’est Sa Calobra. C’est un chef-d’œuvre d’architecture, surtout les derniers kilomètres. » Là, le ruban de bitume s’enroule sur lui-même pour mériter son nom (qui se traduit par « La couleuvre »), et forme un étourdissant parcours avant de plonger en lacets serrés, sur la paroi de roc, jusqu’aux eaux turquoise de la Méditerranée. Il faut emprunter le même chemin à la descente qu’à la montée: 670 m de dénivelé sur 9,4 km de distance à 7,4 % de moyenne, et dont les 500 derniers mètres, punitifs, approchent les 12 %. « Mais c’est l’architecture de la route qui me fascine, le travail derrière celle-ci, plus encore que la difficulté de la montée », expose le rouleur passionné. Sans parler de la beauté du lieu, du parcours pour s’y rendre, en montant dans les bois depuis le village de Pollença. 

Il y a une réelle gratitude dans la pratique de Cossette. Une ode à la beauté du monde. 

Union magique

Finalement, l’élément principal de ce rapport presque mystique au vélo, Sylvain Cossette l’attribue à la machine elle-même. Il cite Super Mario Cipollini : « The bicycle has a soul. If you succeed to love it, it will give you emotions that you will never forget. » (Traduction: Le vélo a une âme. Si vous parvenez à l’aimer, il vous procurera des émotions que vous n’oublierez jamais.)

« Quand tu es “groundé” sur ton vélo, tu ne fais qu’un avec lui. Mes meilleurs moments à vélo, ce n’était pas quand j’avais les meilleures jambes, mais plutôt quand j’avais ce genre de sensation là. C’est là qu’avoir un vélo comme un Parlee prend tout son sens et que ça justifie l’investissement. Ça peut paraître snob ou élitiste, mais ce n’est pas ça. C’est incroyable, ce sentiment d’avoir avec soi un objet au caractère particulier, avec lequel on perçoit une forme d’union, un lien presque affectif. Ça devient une sorte de respect qui se développe pour le vélo que tu as sous toi, et ça t’amène à communier avec lui, avec la route. » Et les gens, encore. « Quand je vois quelqu’un qui a un Parlee, je m’arrête, je lui parle. J’ai l’impression, avec un vélo aussi spécial, de faire partie d’une communauté. » 


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