Our tribe.

This season ended on the ultimate disappointment. An error that haunts me.

(Version française plus bas)

Thankfully, this memory’s bitterness slowly fades away as it turns into a learning experience. The fact that I was a latecomer to this sport—where the minutiae of strategy is just as important as physical fitness—forces me to think much harder about things before acting them out.

I take a look at the picture we snapped as a team, after the race. We’re all smiling. Even me. We’re smiling because we worked well together and for amateurs, this kind of joyful teamwork seldom happens.

I feel I need to insist on this notion of enjoyment: there is no mercurial dictator in our team. There’s enough or those in the peloton to make you want to avoid having that kind of person in your team. We pick our team members from a human standpoint, above all. Of course, we race to win. Yet, our results do not define us as much as the path that leads to those results and living through our success as well as our failures.

What do I mean by that? Given the choice, I’ll always pick a glorious defeat than a glory less victory.

If only they knew how laughable they are to me, those sprinters who suddenly appear in the last meters of the race when we haven’t seen them expend a single watt against the wind up until then. Granted, biking is a sport of patience and wear. But it’s also a question of courage, bluffing and thrusts one goes into with a mix of stubbornness and arrogance that allows one to win with your head held high. Or to lose with the sentiment of having given everything to the road.

Otherwise, it’s not a bike race. It’s nothing but a procession.

This season is now a series of compressed images. A breakaway, the taste of blood in your mouth, a near-fall, a missed break, a descent in the fog whose mere memory gives you goosebumps. Some of those images are the ghosts of painful losses, losses that hurt because we were so close and could feel that little Sunday morning glory on the tip of our fingers before it eluded us.

We are the critics of this movie that plays over and over again in our minds. More often than not, they’re nothing but 20-second clips that are at the tail end of a 100 kilometre-long feature film. The conclusion, the moment everything went down, where a bad position, or a good one, changed everything.

We analyze moving images. We cut them up. They no longer burn as they do during those sleepless nights after a defeat. The “what ifs” of the pluperfect give way to a critical analysis that invariably leads to solutions that are conjugated in the future tense. Those movies are learning tools the likes of which are abundant on YouTube. They are tutorials on what one needs to do or not do in order to win.

The only thing left is keeping our bodies sharp throughout the winter, feeding our inspiration, our need for surpassing ourselves, our appetite for victory, all of which drive us to start over again, summer after summer. Us. Puny men covered with a second skin of Lycra. Huddled behind a starting line. Ready to suffer for the ephemeral glory and eternal feeling that we did a little better than our best: accepting to suffer to reach excellence.

Winter is coming, slowly. Dead leaves lightly smother the bitumen on the sides of the roads. Some heal their bodies with yoga or sublimate their wheels for jogging shoes or hiking boots. There’s always mountain biking to get your adrenaline fix and cyclocross to hone your technical skills; if you accept to burn your bronchus from this brutal effort in the cold.

Winter is coming. And with it the idea of the upcoming season and its upcoming film with a happy ending. Preparation has already begun. The script is being developed. We are already planning our upcoming training sessions. We watch our weight, our biometric data, we’ll go riding elsewhere to get a head start on spring. History repeats itself, but it’s far from rambling. We replay that movie and fine-tune each sequence, changing a few actors, honing their performance. Each year, we are driven by an uncontrollable desire. A fantasy. The fantasy of the perfect movie.

It’s so close we can almost touch it. And that tiny distance separating us from it justifies all the efforts and sacrifices we will sink into it. And that’s something we feel few people from outside our sport can or do understand. That’s probably why they observe us, amused and bemused, while we tear our souls apart for a race.

But we couldn’t care less. Our tribe has its own habits, language, and customs. This winter, we will recall our legends, which are nothing but the synopsis of our next movie. So while nature is slowly dying, our tribe is sharpening its weapons and feeding its dreams.

A text by David Desjardins.

Photo by Paul Schwartz.

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Notre tribu

La saison s’est achevée sur une ultime déception. Une erreur qui me hante.

C’est un souvenir dont l’aigreur s’estompe à mesure qu’il devient un enseignement. La confirmation que mon arrivée tardive dans ce sport – où les fins détails de la stratégie comptent autant que la forme physique – m’oblige à réfléchir plus encore avant d’agir.

Je regarde la photo que nous avons prise après la course, en équipe. Nous sourions tous. Moi compris. Parce que nous avons bien travaillé ensemble, et que chez les amateurs, cette cohésion dans le plaisir n’est pas si fréquente.

J’insiste sur l’idée de plaisir : il n’y a pas, chez nous, de dictateur en proie à une gestion déficiente de la colère. Ils sont assez nombreux dans le peloton pour vous passer l’envie de les souffrir dans votre équipe. Le choix de nos membres est humain avant tout. Nous roulons pour gagner. Mais nos résultats ne nous définissent pas autant que notre manière de les obtenir et de vivre nos réussites comme nos échecs.

Par exemple? À choisir, je préférerai toujours une défaite avec panache à une victoire de planqué.

S’ils savaient comme ils me font rire les sprinters qui apparaissent dans les derniers mètres et qu’on n’a pas vus perdre un watt dans le vent jusque-là. Que le cyclisme soit un sport de patience et d’usure, je veux bien. Mais c’est aussi une affaire de bravoure, de bluff, de charges menées avec ce mélange d’entêtement et d’arrogance qui vous permet de gagner la tête haute. Ou de perdre avec le sentiment d’avoir tout laissé sur la route.

Sinon, c’est pas une course de vélo. C’est une procession.

La saison conclue se comprime en une série d’images. Une échappée, le goût du sang dans la bouche, une chute évitée, un break manqué, une descente dans la brume dont le souvenir suffit à provoquer une authentique chair de poule. Certaines images sont les fantômes de défaites cuisantes, qui font mal parce qu’on était si près et qu’on touchait la petite gloire du dimanche du bout du doigt avant qu’elle ne nous élude.

On fait la critique du film qui rejoue dans nos têtes. Le plus souvent, des séquences de 20 secondes qui se situent à la fin de chaque long métrage de 100 kilomètres. La conclusion, là où tout s’est joué, où une mauvaise position, ou une bonne, a tout changé.

On analyse les images en mouvement. On les découpe. Elles ne nous brûlent plus comme lors des nuits insomniaques qui suivent les défaites. Les «et si, et si» du plus-que-parfait de l’indicatif font place à un regard critique, fait de solutions qui se conjuguent au futur. Ce sont des films d’apprentissage, comme on en voit par centaines sur YouTube. Des «tutoriels» de ce qu’il faut faire ou pas pour gagner.

Restera à affûter le corps tout l’hiver durant, à nourrir l’inspiration, l’envie du dépassement et l’appétit pour la victoire qui nous poussent à recommencer, été après été. Nous. Petits hommes couverts d’une seconde peau de lycra. Agglutinés derrière une ligne de départ. Prêts à souffrir pour la gloire éphémère et l’éternel sentiment d’avoir fait un peu plus que de son mieux : avoir consenti à la souffrance pour convoiter l’excellence.

L’hiver s’installe lentement. Au sol, les feuilles mortes couvrent le bitume en bordure des routes. Certains soignent leur corps au yoga, ou changent le mal de place en sortant leurs chaussures de course à pied, leurs bottes de marche en forêt. Sinon, il y a le vélo de montagne pour le fix d’adrénaline et le cyclocross pour aiguiser les compétences techniques; le souffle de l’effort brutal au froid leur brûle les bronches.

L’hiver s’annonce. Et avec lui, l’idée d’une saison à venir, et celle d’un film qui finira bien. La préparation a commencé. Le scénario s’écrit. Nous structurons nos entraînements à venir. Nous surveillerons notre poids, nos données biométriques, nous partirons rouler ailleurs pour devancer le printemps. L’histoire se répète, mais elle ne radote pas. On rejoue le film en améliorant chaque séquence, en changeant quelques acteurs, en affinant sa performance. Chaque année, nous sommes poussés par un désir fou. Un fantasme. Celui du film parfait. 

Il est si proche, on peut presque y toucher. Et cette petite distance qui nous en sépare justifie tous les efforts et les sacrifices consentis. C’est quelque chose dont nous avons le sentiment que peu de gens de l’extérieur peuvent comprendre. Et c’est sans doute pour cela qu’ils nous observent avec amusement et incrédulité tandis que nous nous désâmons pour la course.

Mais cela nous est égal. Notre clan a ses us, son langage, ses coutumes. Cet hiver, nous nous raconterons nos légendes, synopsis de base sur lequel repose le prochain film. Pendant que la nature meurt, notre tribu fourbit ses armes et ravitaille ses rêves.

Un texte de David Desjardins.

Photo de Paul Schwartz.

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