Retour en solitaire

À son origine, le cyclisme de compétition était une série de longues épopées reliant de grandes villes européennes, soulevant les passions des peuples, alimentant les presses des journaux et fortifiant la gloire du coureur souvent laissé à lui-même. Les départs étaient groupés, mais l’épreuve, plus souvent qu’autrement, consistait en un interminable contre-la-montre.

Puis vinrent les pelotons, les sprints, les montagnes. Le contre-la-montre devint une épreuve à part entière, mais désormais destinée aux spécialistes. À ce jour, il conserve son statut officiel d’épreuve olympique et de championnat du monde.

Mais peu importe notre niveau, le « chrono » déplait à la majorité. Parlez-en à Claude Garon, 79 ans, de Québec. Cet ancien coureur organise des courses régionales dans son coin de pays depuis bientôt 30 ans. Au programme, les toujours populaires critériums, mais aussi les traditionnels contre-la-montre de Stoneham, qui reviennent chaque année malgré qu’ils soient boudés par la plupart des cyclistes.

C’était avant la pandémie…

La Covid-19 a eu raison de tous les calendriers sportifs 2020 du monde et Claude n’y a pas fait exception. Indigné, l'infatigable organisateur insiste auprès de la Fédération québécoise des sports cyclistes pour que ses contre-la-montre aient lieu, « puisqu’il est possible de faire respecter les deux mètres de distance avant, pendant et après la course ». Contre toute attente, la Fédération accepte un calendrier de quatre contre-la-montre, prévus à chaque mercredi de juillet 2020. 

La première course cycliste de 2020 au Québec s'est tenue le premier juillet à Stoneham.

Les conditions sont toutefois les mêmes que pour tout organisme qui sort du confinement: distanciation, masques, mais surtout, pas d’argent comptant. Il y a moins d’an, bien malin celui ou celle qui tentait de s’inscrire à une course de Claude Garon autrement qu’avec un billet de 20$. « J’ai toujours préféré payer mes signaleurs et donner des médailles aux coureurs avant de me soucier des cartes de crédit, mais cette fois-ci je n’avais plus le choix », explique-t-il. 

             La signaleure Romy Gingras et son chien Arthur 

Devant s’équiper d’un système de paiement numérique, Garon allonge quelques centaines de dollars de plus aux frais normaux pour organiser ses contre-la-montre souvent bien peu fréquentés.  Pour une si petite organisation, c’est un gros pari. Le défi est maintenant d’avoir un nombre suffisant de coureurs au départ de chaque épreuve. 

Claude a besoin de 35 personnes qui s’engagent à participer via facebook pour aller de l’avant avec le premier contre-la-montre. Après quelques semaines à multiplier les demandes sur sa page d’événement, il atteint son but. La première course cycliste de l’an 2020 au Québec a finalement eu lieu à Stoneham, le 1er juillet…

                         Une table d'inscription fort occupée

Des 35 pré-inscrits, près de 50 sont venus. Plusieurs sont de la Capitale-Nationale, bien sûr, mais aussi des régions de Montréal, Sherbrooke et Gatineau. Cyclistes de montagne et triathlètes sont aussi de la partie. Les petits chronos de Stoneham, dont personne n’a jamais parlé, ont même fait la manchette de magazines cyclistes anglo-canadiens. 

Modeste comme lui seul peut l’être, Claude Garon donne tout le crédit à la ville de Stoneham et au dépanneur Pétro-Canada tout près, qui autorisent la tenue de cette épreuve, alors que « tous les organisateurs du Québec se font dire non par les municipalités ».

C’est ainsi que le vélo, qui nous a habitué à de belles histoires, revient plus fort que jamais après ces longs mois de pause. Un homme faisant partie du groupe d’âge le plus à risque en ces temps de pandémi redémarre malgré tout la course cycliste au Québec, marquant du même le grand à retour à l'avant-plan de l'effort solitaire, du caractère unique du contre-la-montre.


L'ancienne route 175 en direction du Saguenay, peu fréquentée, requiert peu de signaleurs et permet des courses de vélo à peu de frais.

Bien conscient d’avoir du danger de contracter le virus, Claude se fait prudent, mais ne se laisse pas abattre. Maintenant que ses contre-la-montre sont derrière lui pour cette année, il parle déjà avec passion de 2021. 

« L’an prochain, j’aurai 80 ans, je serai bien vivant et il y aura des compétitions! » conclut Claude Garon, l'ultime spécialiste de la course contre le temps.

   Claude Garon, organisateur des contre-la-montre de Stoneham

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