From Girona with love, chapter 2.

Let me tell you about the sea. From Girona, you wouldn’t even guess it’s there. Yet, it’s not very far, a few kilometres from town via charming roads, for the most part.

And the asphalted meandering bends that run alongside it are an infinite source of perfect moments.

Tossa del Mar. The town has the quaint charm of neglected beach resorts whose architecture hides countless pieces of history, some literally abandoned, but all deeply touching. Outdated hotels whose render flakes off and fairground attractions dating back to Franco’s era punctuate the civilized scenery. At the other end of the spectrum: capes and beaches. And the sea, immemorial, barely rippled by the Garbi, which meets land and glides with us along the road while we ride up the Costa Brava. The southerly wind dries our jerseys and uplifts the sun-bleached flaps of restaurants and cafés.

Outside of Tossa del Mar await an endless succession of bends, switchbacks, and zigzags, all covered with a smooth, matte tarmacadam whose adherence we repeatedly test by searching for the fastest, most efficient line while taking care of remaining on our side of the road. Up and down we go, with barely any traffic under the resplendent but not too warm April sun.

Something quite magical happens in those moments when the group is quite homogenous: a certain gleefulness that we feel in the others and quietly share until we get to the next stop. We single-file down hairpin bends. Each relaunch is another opportunity for passing, bursts of efforts to ride ahead of the others. It’s all a game. The game take place in the arena is calculated risk and the only rules are dictated by one’s own self-assurance, with just a smidge of common sense. Unless, obviously, one has a secret pact with Death.

Such is not the case here. We cherish this life too much for that. Especially when it takes us on such perfect paths. The scenery below is of such beauty that it requires a few stops to take it all in and imprint on our retinas and our memories. The Mediterranean’s deep blue, the parasol pines and the Pantone 122C yellow of the rocky cliffs. . .

As soon as we turn inland, tiny crossroads beckon. The ride across fields towards more and more roads. We gobble them up with a joy the numbs the pain of effort even better than Tramadol.

We came here wondering why the pros like so much about this place; now, we know. Next time, I’ll tell you about the mountains. We still have a few nice ones to tackle. You ever heard of Rocacorba?

As you’ve guessed by now, everything is going great. But you might also be wondering how we solved the little mechanical hitch I told you about last time.

The boys left in one direction, I left in the other. They found a motorcycle mechanic who had the required part in stock. As for me, I made the acquaintance of Christian Meier, a retired pro who opened a store just for me, to help us out.

That was the opportunity to do another round of recon in the area. I remembered it from when we visited as tourists, you and I. I remembered the cathedral, the town square and the buildings’ reflections in the river that criss-crosses the city. But not much more. Meier and us left from Espresso Mafia—another one of his businesses, right down the street from our pad in Girona—and sped down the paved streets, over one of the countless bridges, and snaked through the varying density of the crowd until we reached his magnificent boutique where I truly discovered a truly charming and obliged man.

A few days later, he hosted us to watch Paris-Roubaix. We also joined two of his Sunday rides. He single-handedly embodies the daily life that pros seek over there. A life in counter time which replies to the sport’s frenetic pace with a fully assumed slowness.

I know I’ll miss the roads and the sea when I come home. But above all else, it’s the permeating languidness of this corner of Catalonia that I will miss the most. The pace of living that ignores waves and cares only for the tides.

When I wrote that I would tell you about the sea, that is also what I meant.

See you soon.

Xxx

A text by David Desjardins.

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Il faut que je te raconte la mer. Depuis Gérone, on ne la devine même pas. Elle n’est pourtant pas très loin, à quelques kilomètres de la ville, via des routes pour la plupart charmantes.

Et les lacets bitumés qui la bordent sont une inépuisable réserve de moments parfaits.

Tossa del Mar. La vieille ville possède le charme suranné des stations balnéaires négligées, dont l’architecture recèle d’innombrables morceaux d’histoire, parfois laissés à l’abandon, mais qui font vibrer notre fibre nostalgique. Hôtels décatis dont le crépit s’écale et manèges de foire datant de l’époque de Franco ponctuent le paysage côté civilisation. En face, les caps, la plage. Et la mer, millénaire, ridée seulement par le Garbi qui nous rejoint ensuite sur terre et glisse avec nous sur la route tandis que nous remontons la Costa Brava. Un vent du sud qui sèche nos maillots et fait lever la frise des auvents délavés des restaurants et des cafés.

Nous attendent, à la sortie de Tossa del Mar, une enfilade de lacets qui n’en finissent plus, couverts d’un tarmac lisse et mat dont nous mettons l’adhérence à l’épreuve en cherchant chaque fois la ligne la plus efficace, la plus rapide, tout en demeurant de notre côté de la chaussée. Ça remonte et redescend, le trafic est presque inexistant en ce début d’avril, sous un soleil resplendissant mais tolérable.

Il se passe quelque chose d’assez magique dans ces moments, lorsque le groupe est assez homogène. Une sorte de jubilation que nous devinons chez les autres, que nous partageons silencieusement jusqu’au prochain arrêt. Nous glissons en file dans les virages serrés. Les relances sont autant d’occasions de dépassements, de coups de cul pour prendre les devants sur les autres. Nous jouons. La partie se déroule dans l’arène du risque calculé, les seuls règlements étant dictés par sa propre assurance, mâtinée d’un minimum de bon sens. À moins, bien sûr, d’entretenir un pacte secret avec la mort.

Ce n’est pas le cas ici. Nous aimons trop cette vie. Surtout lorsqu’elle nous mène sur d’aussi parfaits chemins. Le paysage en contrebas est si beau qu’il mérite quelques arrêts pour mieux l’absorber et le laisser s’imprimer dans nos rétines, puis nos mémoires. Le bleu profond de la Méditerranée, les pins parasols et le jaune Pantone 122C des flancs rocheux.

Dès que nous rentrons dans les terres, des chemins de traverses minuscules s’offrent à nous. Ils traversent les champs, nous mènent vers d’autres routes, et d’autres encore. Nous les enfilons avec un bonheur qui engourdit plus encore la douleur de l’effort que tous les Tramadol.

Nous étions venus ici en nous demandant ce que tous les pros trouvent à ce coin de pays; nous le savons maintenant. La prochaine fois, je te parlerai des montagnes. Nous en avons encore quelques belles au programme. Rocacorba, tu connais?

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Tu devines que tout va bien :) Mais tu te demandes peut-être comment nous avons réglé notre ennui mécanique à notre arrivée.

Les gars sont partis de leur côté. Moi du mien. Eux ont trouvé un mécanicien de motocyclettes qui avait la pièce nécessaire sous la main. Pendant ce temps, je faisais la connaissance de Christian Meier : l’ancien pro possède une boutique, qu’il a ouvert juste pour moi afin de nous dépanner.

Cela m’a permis de faire à nouveau la reconnaissance des lieux. Je me souvenais quand nous y étions venus en touriste, toi et moi. Je me rappelais la cathédrale, la grande place et le reflet des édifices dans la rivière qui traverse la vielle ville. Mais sans plus. Avec Meier, nous sommes partis d’Espresso Mafia (un autre de ses commerces, juste au bout de la rue de notre appartement à Gérone), avons filé sur les pavés, franchi un des nombreux ponts, puis nous sommes faufilés dans la foule à densité variable pour atteindre sa boutique, superbe, où j’ai surtout découvert un type charmant et obligé.

Il nous accueillera là quelques jours plus tard pour y regarder Paris-Roubaix. Nous participerons à deux de ses sorties dominicales de groupe. Le type incarne parfaitement le quotidien que les pros cherchent là-bas. Une vie qui bat à contretemps, qui répond à la frénésie du sport par une lenteur assumée.

À mon retour, c’est sûr, je vais m’ennuyer des routes, de la mer. Mais par-dessus tout, c’est l’indolence ambiante de ce coin de Catalogne qui va me manquer le plus. Un rythme de vie qui ignore les vagues pour ne se soucier que des marées.

Quand je te disais que je devais te parler de la mer, c’était ça aussi que je voulais dire.

À bientôt.

Xxx

Un texte de David Desjardins. 



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